Bouger les yeux pour guérir l’esprit ? Cela paraît si simple dans la pratique, mais cette technique fait appel à un processus très précis et complexe nommé l’EMDR (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing). Cette méthode agit en fonction de différents facteurs liés notamment au patient ou au contexte. Utilisée à bon escient, elle offre des résultats étonnants mais soulève de nombreuses interrogations : Comment fonctionne t-elle ? A qui s’adresse-t-elle ? Emmanuelle Gontier, psychologue du travail libérale et spécialiste de cette technique, nous explique.

Emmanuelle GONTIER
Psychologue du travail libérale – Consultant IPRP – Volontaire CUMP
Membre de la plateforme Pros-Consulte – voir son profil

 

 

 

  • Qu’est ce que la méthode EMDR ? 

Découverte par hasard en 1987 par Francine Shapiro, psychologue américaine, l’EMDR est une technique de psychothérapie basée sur la stimulation sensorielle alternée (le plus souvent oculaire, elle peut être auditive ou tactile).

Les initiales EMDR signifient Eyes Movement Desensitization and Reprocessing : désensibilisation et reprogrammation des souvenirs traumatiques par les mouvements oculaires. Les problématiques sont considérées comme étant basées sur des souvenirs non traités, stockés au niveau physique, qui influencent les pensées, les émotions et les comportements actuels.

L’idée de base est qu’il existe un système inné qui traite l’information – traitement adaptatif de l’information (TAI) – mais qui est bloqué par un événement traumatique ou des stresseurs chroniques. Le protocole EMDR et les mouvements oculaires permettent au système de traitement de l’information de reprendre sa fonction et de traiter l’information vers une solution adaptative, ce qui aboutit à un rééquilibrage des émotions, des pensées et de la physiologie.

La thérapie EMDR est une approche thérapeutique globale et intégrative (comme la thérapie psychodynamique, la thérapie cognitivo-comportementale…) guidée par un modèle de traitement de l’information et de reconsolidation mnésique. Elle est recommandée par la Haute Autorité de Santé (depuis 2007) dans le traitement des traumatismes psychiques.

  • Dans quels cas est-elle pratiquée ? 

La thérapie EMDR est utilisée pour traiter les évènements de vie difficiles qui contribuent à la pathologie. Elle est indiquée dans le traitement d’évènements traumatiques intenses ayant entrainé le développement des TSPT (troubles de stress post traumatique), comme par exemple un attentat, une guerre, une agression, un deuil traumatique, une situation de catastrophe naturelle ; les situations de harcèlement au travail peuvent être à l’origine de TSPT et trouver un apaisement dans une prise en charge par l’EMDR. Elle peut également être efficace dans les états de dépression, d’anxiété, de problèmes interpersonnels. Elle peut aussi accompagner les difficultés sexuelles,  soulager la douleur physique chronique, les conséquences psychiques de maladies cardiovasculaires ou du cancer. Plus généralement, elle est recommandée pour l’apprentissage de la gestion du stress et des manifestations associées.

  • Comment se passe une séance EMDR ?

Les possibles diagnostics nécessitent des procédures et protocoles de la thérapie EMDR différents et souvent personnalisés. Néanmoins, les approches intègrent toutes les 3 temps : passé, présent et futur. La stimulation bilatérale alternée lors d’une attention double – SBA (mouvements oculaires, tapotements, stimulations acoustiques) n’est qu’un des nombreux éléments de la thérapie EMDR.

On détermine ce qu’on appelle un plan de ciblage afin d’identifier tous les éléments à traiter : comportements, émotions, sensations physiques, déclencheurs sensoriels… Il s’agit d’un traitement intégrant 8 phases distinctes : l’histoire du patient, la préparation, l’évaluation, la désensibilisation, l’installation (reprogrammation), le scanner corporel (définir la cohérence des cognitions et des sensations), la clôture et la réévaluation.

Généralement, une séance dure entre 60 et 90 minutes mais des séances antérieures à celle de l’EMDR sont indispensables pour développer la confiance et l’alliance thérapeutique entre le patient et le praticien.

  • Comment fonctionne le processus psychologiquement et physiquement ?

Plusieurs recherches ont montré que les mouvements oculaires avaient un effet sur certains paramètres physiologiques comme la diminution du rythme cardiaque (étude la plus marquante). Par ailleurs, une des pistes scientifiques se situe dans l’analyse du sommeil paradoxal. Un parallèle a été fait entre ce qui se passe dans cette phase de sommeil notamment en terme de mouvements oculaires rapides. En effet, le rôle des rêves, dans cette phase de sommeil paradoxal, est d’élaborer et de digérer psychiquement les vécus de la vie réelle. En reproduisant les mouvements oculaires hors sommeil et en induisant un état de relaxation, on envisage un retraitement adaptatif du souvenir à l’instar du traitement « nocturne » de l’information.

  • As tu des exemples à nous donner ?

En tant membre de la cellule d’urgence médico psychologique du SAMU de Paris, je suis amenée à prendre en charge des victimes d’événements traumatiques. Les protocoles d’urgence en EMDR sont multiples, en groupe ou en individuel. Ils sont appliqués dans les 2-3 jours suivant l’événement et montrent leur efficacité tant que l’événement n’est pas consolidé. Ils travaillent sur tous les fragments de l’événement et peuvent s’adapter à tout type de population (adultes, enfants). C’est un outil de prévention de l’installation des TSPT dispensé par des professionnels formés à la thérapie EMDR ; et l’on sait l’importance de la prise en charge précoce en matière de prévention.