Aider une personne atteinte de dépression
Souffrir d'une dépression

Marion Richard, psychologue du réseau Pros-Consulte répond pour nous à trois questions sur le thème “Aider un proche qui souffre de dépression”.

Souffrir d’une dépression

Vous connaissez peut-être cette situation dans laquelle vous avez repéré qu’une personne de votre entourage proche était en souffrance. Pour autant, être en souffrance ne signifie pas nécessairement souffrir d’un syndrome dépressif. Voici quelques signes qu’il est possible d’observer chez une personne souffrant de dépression, ainsi que quelques recommandations quant à la pathologie dont il est question.

Comment reconnaître qu’un proche souffre de dépression ?

L’un des premiers signes est sans doute l’inhibition, qui se traduit par un repli sur soi, un isolement, et une perte d’envie pour les activités qui, jusque-là, procuraient du plaisir ou de la satisfaction à la personne. À cette perte d’envie s’associe ce que l’on nomme une perte d’élan vital, autrement dit, « l’envie d’avoir envie » : d’une part, la personne ne ressent pas le besoin de faire des choses qui lui plaisent et d’autre part, elle peut sembler presque indifférente à l’idée de ne pas ressentir d’envie ou d’excitation. C’est aussi ce que l’on désigne par l’anhédonie, c’est-à-dire la perte de la capacité à ressentir du plaisir : ce n’est pas que la personne ne veut rien ressentir, c’est surtout qu’elle ne parvient pas à ressentir des émotions plaisantes. En outre, cette perte de capacité à ressentir ou à désirer ressentir du plaisir se retrouve dans la sphère sexuelle, particulièrement par une perte de la libido. Il ne s’agit donc pas de se sentir extrêmement triste, il s’agit de ressentir une douleur morale intense couplée à un manque de possibilité de ressentir des émotions de plaisir. La personne peut se voir en train de pleurer, sans pour autant comprendre ou savoir pourquoi elle se sent triste. Ensuite, le symptôme le plus évocateur d’un syndrome dépressif se manifeste par un ralentissement psycho-moteur, c’est-à-dire une immense difficulté pour la personne à pouvoir réfléchir, parler, se déplacer, rapidement. En effet, les personnes qui souffrent de dépression témoignent d’un manque de concentration (par exemple, réussir à lire un texte simple tout en restant concentré), d’attention (suivre une conversation habituelle du début à la fin) et de mémorisation (réussir à se souvenir d’éléments du quotidien, d’une information passagère, etc.). La personne peut également ressentir son corps comme lourd, et percevoir une grande difficulté à se mouvoir. Ces signes concourent à observer une fatigabilité tant psychique que physique : tout devient lent et éprouvant, même les gestes simples du quotidien (faire la vaisselle, prendre sa douche, se faire à manger, etc.). Aussi, certaines personnes peuvent souffrir de douleurs, notamment musculaires. Chez une personne souffrant de dépression, il est fréquent de remarquer des troubles du sommeil, qu’il s’agisse de difficultés à l’endormissement, allant parfois jusqu’à l’hypo- ou l’insomnie, ou qu’il s’agisse d’hypersomnie. La personne, se sentant donc déjà constamment fatiguée, ne peut trouver repos dans le sommeil. À ces différentes composantes peuvent également s’ajouter des troubles alimentaires, ayant pour conséquence une perte ou une prise de poids, d’autant plus lorsqu’il y a des comportements hyperphagiques. Dans cette même lignée, on peut recenser une augmentation des comportements de dépendance : la personne fume ou boit plus d’alcool que d’habitude, par exemple.
Enfin, dans certains cas, en lien avec cette humeur dépressive, la personne peut avoir des pensées intrusives, notamment des idées noires ou en rapport avec la Mort, jusqu’à exprimer des pensées suicidaires. Selon le DSM V*, il faut que ces signes aient été présents pendant au moins 15 jours pour pouvoir évoquer un syndrome dépressif majeur.

* Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux.

Quels comportements sont à éviter et à adopter avec mon proche souffrant de dépression ?

Parmi les comportements à éviter, les attitudes et paroles de jugements sont définitivement à proscrire, tels que : « ça va passer, arrête de te donner des excuses pour ne rien faire » ; « bouges-toi un peu et ça ira mieux ! », etc. Il faut toujours garder à l’esprit que la personne qui souffre de dépression ne comprend généralement pas ce qui lui arrive : elle ne se reconnaît plus et ne comprend pas pourquoi ses habitudes quotidiennes semblent complètement entravées par son état. En outre, il est fréquent de voir des personnes souffrant de dépression dans une expression constante d’un sentiment de culpabilité : adopter une posture de jugement face à elles reviendrait à renforcer ce processus de culpabilisation et donc risquerait d’aggraver les symptomatologie. En revanche, il est beaucoup plus aidant de se placer dans une position soutenante et facilitante : « que puis-je faire pour t’aider ? » ; « y’a-t-il quelque chose dont tu aurais besoin ? », etc. Le soutien social est en effet une des dimensions les plus favorables en termes d’amélioration du syndrome dépressif majeur. Cela ne signifie pas d’ôter l’autonomie de la personne, mais de lui proposer un soutien, ce qui va lui permettre de s’autoriser à demander de l’aide, plutôt que de rester repliée sur elle-même. On entend et lit souvent qu’il s’agit d’être dans une démarche empathique et/ou compréhensive : en fait, il s’agit surtout d’être disponible pour la personne même si l’on ne comprend pas nécessairement ce qui se passe pour elle. Quant à la posture empathique, qui se définit par la capacité à ressentir comme si nous étions la personne en souffrance sans jamais oublier que nous ne sommes pas cette personne, elle n’est pas non plus l’axe principal, même si elle peut être bien évidemment aidante. Elle sera en fait réservée surtout au professionnel de santé que la personne en souffrance consultera. Pour cette dernière, en effet, le plus important est d’abord et avant tout que sa souffrance soit entendue, reconnue en tant que telle et qu’elle ne soit jamais déniée, négativée, rejetée et jugée. Pour une personne en souffrance, l’une des pires expressions se situe autour de « tu as tout pour être heureux.se, alors pourquoi tu ne vas pas bien? ».

Comment se protéger soi-même lorsqu’on est en contact avec un proche souffrant de dépression ?

Il peut parfois être éprouvant d’être proche de quelqu’un souffrant d’un syndrome dépressif. Par exemple, en lien avec l’humeur dépressive constante, certaines personnes ont tendance à se sentir plus irritables, plus agacées rapidement par des éléments banals. En conséquence, des situations de conflits peuvent émerger de part une certaine agressivité ressentie, et il est parfois très dur de le supporter au quotidien. L’un des premiers réflexes à avoir lorsque l’on repère qu’un proche souffre de dépression, c’est d’abord de lui conseiller de consulter un professionnel dédié (psychiatre, psychologue clinicien, psychothérapeute). En effet, il est important de ne pas chercher à « soigner » la personne, car ce serait se mettre également en danger : pour le proche, il s’agit d’abord et avant tout d’être là, d’être présent par son soutien, d’être dans l’absence de jugement, sans être dans l’évitement de la personne souffrante.
Sans pour autant s’oublier ! Parfois, le proche lui-même peut culpabiliser d’avoir envie de faire des activités plaisantes, d’éprouver des émotions agréables ou même… de se sentir bien. Il est fondamental de continuer de penser à soi, à prendre soin de soi, lorsque l’on soutient une personne en souffrance. Maintenir une vie sociale (famille, amies.s, proches, collègues, etc.) devient non seulement quelque chose d’aidant, mais également un facteur de bonne santé psychique.
Dans tous les cas, seuls les professionnels de santé suivants sont aptes à reconnaître, diagnostiquer et soigner un épisode dépressif majeur : les médecins généralistes (car ce sont eux qui, généralement, voit la personne en première ligne), les médecins psychiatres, et les psychologues cliniciens. Il ne faut donc jamais négliger ce que l’on observe, et se tourner vers ces professionnels afin d’une part, de pouvoir mieux aider la personne souffrant de dépression et d’autre part, de ne pas s’exposer (trop) soi-même à la souffrance de l’autre.