Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le harcèlement moral peut toucher absolument tout le monde : homme, femme, junior, senior,  subordonné et même supérieur hiérarchique, parfois victime d’une équipe cherchant à le faire craquer.

Harcèlement moral : de quoi parle-t-on ?
La définition donnée par le Code du Travail donne les premiers éléments de réponse. L’article L1152-1 du Code du Travail : “Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.”
Plusieurs éléments sont importants dans cet article: tout d’abord, il s’agit d’agissements répétés, c’est-à-dire qui s’inscrivent dans la durée. Ce qui veut dire qu’un différend, un accrochage verbal même violent, s’il est unique, ne constitue pas un harcèlement moral. De même, un accroissement temporaire de travail, lié à une suractivité ne correspond pas non plus à du harcèlement moral.
Ces agissements ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. Il y a là une précision intéressante : pour objet ou pour effet signifie que des dégradations de travail peuvent être assimilées à un harcèlement moral même si ce harcèlement ne semble pas être intentionnel.

Exemples d’agissements constitutifs de harcèlement moral
Les agissements constitutifs de harcèlement moral sont nombreux. Marie-France Hirigoyen, l’une des premières psychologues à s’être penchée sur la question du harcèlement moral a distingué 4 grandes familles d’agissements :

  •  Atteinte aux conditions de travail (critique exagérée du travail, attribution de tâches dangereuses, objectifs contradictoires ou inaccessibles…)
  •  Isolement et refus de communication (interruptions, mise à l’écart…)
  •  Atteinte à la dignité (mépris, rumeurs, diffamation, injure…)
  •  Violence verbale, physique, sexuelle (agression, hurlement…)

Un agissement isolé et ponctuel constitue un acte de maladresse ou de violence mais pas du harcèlement moral. On parlera de harcèlement moral pour une succession de plusieurs de ces agissements étalés dans le temps.

Ça touche qui ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le harcèlement moral peut toucher absolument tout le monde : homme, femme, junior, senior,  subordonné et même supérieur hiérarchique, parfois victime d’une équipe cherchant à le faire craquer. Néanmoins, certaines caractéristiques peuvent prédisposer à du harcèlement moral, notamment la précarité économique (mère célibataire, temps partiels) et les difficultés à s’affirmer (à dire non, à fixer des limites)…

Réaction et signes d’alerte 
A quel moment faut-il s’inquiéter et réagir ? Idéalement, dès les premiers signes d’alerte, les premiers actes, pour y mettre fin avant que la situation ne s’installe et dégénère, c’est-à-dire avant d’entrer véritablement dans du harcèlement moral. Plus on s’y prend tôt, plus on est fort et plus on a de leviers pour agir. Malheureusement, c’est bien souvent quand la situation s’est franchement dégradée que l’on prend conscience du harcèlement moral, alors que l’exposition au stress, à la violence a fortement affaibli la victime de harcèlement.
Les signes d’alerte sont nombreux : troubles du sommeil (insomnies, fatigue chronique), troubles alimentaires (prise ou perte de poids), perte de motivation, troubles de la concentration, pertes de mémoire, problèmes cardiologiques ou digestifs, baisse de la libido, recours aux psychotropes (alcool, tabac, drogue, anxyolitiques…), etc.

Comment faire face ?
De nombreux acteurs sont là pour vous aider. Dans un premier temps, il est toujours préférable de s’adresser aux acteurs internes à l’entreprise, pour chercher une résolution non conflictuelle, mais également pour s’assurer qu’on est bien dans une problématique de harcèlement moral.

En interne
Collègues : ce n’est pas toujours facile, car la politique de l’autruche est fréquente face à des situations de harcèlement. Néanmoins, obtenir l’appui des collègues peut permettre de se protéger des tentatives d’isolement.
Direction des ressources humaines : intermédiaires entre le personnel et la direction, les acteurs RH sont des personnes relais à avertir en cas de difficultés et qui disposent de nombreux leviers pour venir en aide aux victimes de harcèlement moral.
CHSCT : dans une entreprise de plus de 50 salariés, le Comité d’Hygiène et de Sécurité des Conditions de Travail a pour mission de veiller à ce que tout soit mis en œuvre pour assurer la santé physique et morale des salariés (ce qui est également le cas des délégués du personnel, notamment dans les structures qui ne disposent pas d’un CHSCT).
Médecin du travail : interlocuteur des employeurs, mais aussi médecin soumis à la confidentialité, le médecin du travail est un bon relais qui connaît souvent l’entreprise de l’intérieur (en s’y rendant ou par ce qu’il entend des différents salariés qu’il rencontre). Ses prérogatives lui permettent d’appuyer le salarié en souffrance quand c’est nécessaire pour trouver des solutions permettant d’améliorer ses conditions de travail, en collaboration avec l’employeur.

Hors de l’entreprise
Psychologue du travail : le psychologue du travail n’est pas un psychologue comme les autres. Il offre écoute, conseils, soutien pour des problématiques d’ordre professionnel, sans visée thérapeutique. C’est un interlocuteur neutre, ayant une solide connaissance du monde du travail et qui peut permettre de prendre du recul et de comprendre la situation de travail dans lequel se trouve le salarié en souffrance.
Médecin traitant : c’est un acteur de la santé au travail qu’il ne faut pas omettre car c’est souvent celui que l’on connaît le mieux et dans lequel on place le plus sa confiance. Néanmoins, il aura plutôt un rôle de réorientation, voire de mise en arrêt quand la santé est trop impactée par un environnement professionnel pathogène.
Inspection du travail et justice (pénal ou Prud’hommes) : il est préférable de les contacter dans un second temps, notamment parce que certaines situations peuvent se régler sereinement ou ne s’apparentent pas à du harcèlement moral. Toutefois, lorsque le harcèlement moral est avéré et qu’aucun acteur sollicité en interne n’apporte son soutien, des recours sont possibles auprès de ces institutions.

N.B. : Si cet article se penche principalement sur le point de vue de la victime, le fait d’être témoin ou accusé (parfois à tort) de harcèlement moral est également anxiogène et déstabilisant : n’hésitez pas à vous faire aider ou conseiller par un acteur de la santé au travail pour réagir de la façon la plus adaptée.

Anne Quélennec (0056)
Psychologue du travail
Spécialiste des RPS