Nous sommes salariés d’entreprises privées, indépendants, agents administratif, soignants, caissiers, chômeurs, directeurs, etc. et aujourd’hui nous sommes tous confrontés à cette même situation délicate : le confinement dû à la propagation du Covid-19 dans le monde. Afin de garder et de créer du lien, afin de partager des expériences, des conseils en termes d’organisation d’entreprise mais également au niveau individuel, nous vous proposons de découvrir des témoignages de travailleurs via de courtes interviews : comment s’organiser au niveau professionnel ? Au niveau personnel ? Quelles sont les difficultés ? Quelles sont les conditions pour maintenir une activité en ces temps de crise sanitaire ?  

Romain, médecin hospitalier, gastro-entérologue, qui a rejoint l’unité Covid-19

Qui es-tu que fais-tu ?
Je suis médecin hospitalier, gastro-entérologue, je fais des consultations à l’hôpital et des endoscopies digestives. Je partage mon temps entre le CHU de Anger et l’hôpital Château Gontier en Mayenne, en temps normal. Actuellement, je suis à temps plein en Mayenne à l’hôpital de Château Gontier dans lequel j’ai rejoint l’unité Covid-19.

Comment s’est organisé ton travail à l’hôpital avec l’arrivée du Covid-19 en France ?
Depuis le 15 mars il y a eu beaucoup de réorganisation à l’hôpital au niveau de nos plannings, pour savoir qui avait la possibilité de se dégager du temps. Rapidement la question d’être transféré à temps plein dans l’unité Covid-19 de l’Hôpital de Château Gontier en Mayenne s’est posée pour moi. Là-bas il y avait un besoin car il y avait moins de médecin. Je me suis proposé spontanément. Après discussion avec mes chefs, j’y ai été transféré à temps plein. J’y suis depuis le 30 mars.

Pourquoi cela t’intéressait de faire partie de l’unité Covid-19 ?
Cela m’intéressait pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, beaucoup de nos rendez-vous ont été annulés pour, justement, libérer du temps médical mais également libérer des lits en prévision de l’arrivée des malades.
  • Ensuite, j’ai fait cela par solidarité pour mes collègues. Je voulais les aider. Cela m’a paru être une évidence.
  • Pour finir, je suis jeune médecin et je suis moins une personne à risque que les soignants plus âgés. Si possible, je préfère leur éviter d’être exposé.

Comment est la situation dans l’unité Covid-19 ?
La Mayenne est plutôt épargnée par le Covid-19. Nous n’avons pas un flux de patient très important donc nous arrivons à gérer la situation. À Anger il y a actuellement un peu plus de trente patients et à Laval, en Mayenne, il y en a une quinzaine. Ce sont surtout des patients qui ne tolèrent pas les fortes fièvres. Aujourd’hui, par exemple, nous avons eu un décès d’une personne de 75 ans… Mais l’hôpital n’a pas de réanimation donc nous ne sommes jamais confrontés à des cas très graves. Lorsque la situation se complique nous envoyons les personnes en réanimation dans un autre hôpital.

Le point positif c’est que depuis quelques jours le nombre de mort stagne dans les hôpitaux, on peut espérer que bientôt il va décroitre.

Psychologiquement comment le corps médical vit cette situation ? Et toi, que trouves-tu le plus difficile ?
Avec peu de cas dans la région, nous sommes plutôt épargnés psychologiquement ainsi qu’au niveau du rythme de travail. Nous sommes soudés et volontaires, cela fait partie du métier. J’ai des amis médecins dans d’autre régions qui sont sous l’eau, nous ne sommes pas à plaindre.

Il y a quand même des choses que je trouve très choquantes et difficiles psychologiquement. Par exemple, lorsqu’il y a des décès de personnes contaminées par le Covid-19, ils n’ont pas de toilette, ils sont mis directement en sac plastique et en cercueil à l’hôpital pour éviter la propagation du virus. La famille ne peut pas les voir et les obsèques sont faites en comité très réduit. Je trouve cela hyper dure.

Et puis, pour nous, il y a le stress lorsqu’un membre du corps médical est contaminé. Aujourd’hui, un infirmier est absent car il est malade et naturellement ça génère du stress au sein de l’équipe. Pour ma part, j’ai conseillé à ma compagne de vivre, le temps du confinement, chez ses parents car je ne souhaite pas la contaminer.

Comment imagines-tu la fin du confinement et le « après » Covid-19 ?
C’est une question très complexe. La fin du confinement ne sera pas la fin de la propagation du virus et nous avons très peur du « retour de bâton » dans les régions peu touchées. Le virus ayant très peu circulé, les gens n’ont pas été en contact avec lui. S’il y a une nouvelle vague de contamination cela peut faire des ravages dans ces régions.

Ensuite il va falloir organiser le « après » avec les plannings très chargés que nous avons et toutes les consultations, les rendez-vous et les suivis de dossier que nous avons annulés ou reportés.

Un conseil pour les personnes confinés en ce moment ?
Prendre conscience que l’on peut être contagieux. Respecter les autres par rapport à cela, et surtout les personnes les plus fragiles. Prendre son mal en patience.