Marianna Drinoczi, Psychologue experte dans la prise en charge du stress post-traumatique répond à nos questions sur le sujet du traumatisme et de l’importance de mettre des mots sur les maux.

Bonjour Marianna, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un évènement traumatique ?

 

Un évènement traumatique se présente et est ressenti comme une menace, réelle ou possible, à l’intégrité physique et/ou l’intégrité morale d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’état de stress ressenti varie en fonction des personnes et des évènements traumatiques subis. Il peut s’agir d’une agression sexuelle, accident des transports, guerre, prise d’otages, catastrophe naturelle, attentat. Ou encore de la violence physique ou psychique de la vie quotidienne (travail, relations sociales, familiales ou affectives).

La personne qui souffre et se retrouve dans un état de stress peut être la victime directe de la menace. Néanmoins, elle peut aussi simplement être le témoin de la scène traumatisante.

Face à des évènements, toujours plus ou moins violents, qui font irruption dans le réel, il est normal de ressentir un choc. Mais parfois, plus que la gravité réelle des évènements, c’est la gravité ressentie qui semble décider de l’apparition postérieure de symptômes psychiques et/ou physiques qui changent la vie des personnes. On parlera alors d’un état de stress post-traumatique  (ESPT).

Quels sont les impacts d’un évènement traumatique sur la santé mentale et physique ?

 

L’état de stress post-traumatique est un trouble anxieux, souvent sévère. Il apparaît à la suite de l’évènement et conduit à une situation de détresse.

D’abord, c’est la réaction dite de stress aigu, qui dure en général moins d’un mois. Chez certaines personnes, cette période de stress peut persister. En effet, elle peut s’installer dans la vie quotidienne sous la forme d’un ensemble de symptômes (psychiques et/ou physiques) qui formeront alors un syndrome.

La durée du syndrome de stress post-traumatique est très variable. Elle peut aller de quelques semaines (remise spontanée) après la première réaction, à plusieurs années.

Etre exposé à un évènement traumatisant peut générer une détresse importante et soudaine. Cet évènement peut causer une peur intense, sidérante, un sentiment d’impuissance, d’horreur, de honte ou de culpabilité. Ces éléments remettent en cause les valeurs essentielles de l’existence normale : la sécurité, la bonté, la solidarité, l’affection…

Ajoutons qu’une personne qui a vécu un évènement traumatique peut présenter des troubles plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard. Ils surviennent suite à un événement déclencheur comme par exemple l’anniversaire de l’évènement. C’est ce qu’on appelle un temps de latence.

Syndrome de stress post-traumatique

Evènement traumatique – Les signaux à repérer

 

Des crises d’angoisse ou des attaques de panique sont des troubles anxieux généralisés, caractéristiques de l’ESPT. Si la personne a, ou croit avoir une part de responsabilité dans l’évènement traumatique (accident de la route, par exemple), l’anxiété s’accompagne souvent d’une perte d’estime de soi. Après quelques mois, ces symptômes ont un impact fortement négatif sur la vie quotidienne . Des complications peuvent alors survenir. Nous pouvons citer des troubles du comportement alimentaire ou des toxicomanies (alcool, drogues, médicaments). Dans 25 à 30 % des cas, on observe  l’apparition de symptômes dépressifs.

 

Trois grandes classes de symptômes – troubles réactionnels :

 

  • Symptômes de réviviscence continuelle de la scène traumatique en pensée par des flash-backs ou en cauchemar. Cela est accompagné d’un certain sentiment d’anesthésie émotionnelle et de détachement ;
  • Symptômes d’évitement de tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin le trauma. Les sensations physiques ressenties au moment du traumatisme resurgissent et s’accompagnent d’une tendance à fuir tout ce qui pourrait rappeler le traumatisme. Cette attitude d’évitement peut aboutir à l’amnésie partielle ou totale des événements ;
  • Symptômes d’hypervigilance malgré l’absence de danger imminent. Il peut s’agir de troubles du sommeil, d’irritabilité, de détresse, de difficultés à se concentrer, de crises d’anxiété par exemple.

 

Facteurs de risque

Certaines personnes manifestent plus de prédispositions à développer un état de stress post-traumatique. Premièrement, les personnes ayant une grande sensibilité au deuil ou un tempérament anxieux. Par ailleurs, celles dotées d’un naturel naïf, qui pensaient que le monde était bienveillant. Ou encore les personnes qui souffrent d’isolement émotionnel et ne peuvent s’appuyer sur un réseau amical ou familial. Les personnes âgées et les enfants se révèlent également particulièrement vulnérables.

Prise en charge d'un évènement traumatique

Différentes prises en charge thérapeutiques

 

  • La psychothérapie en présentiel ou à distance ;
  • L’hypnose thérapeutique peut être bénéfique sur les symptômes tels que anxiété, crises d’angoisse et de panique, cauchemars, douleurs physiques associées ;
  • L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing – mouvements oculaires mise au point dans les années 1980 aux Etats-Unis) ;
  • Dans certains cas, la prescription d’anxiolytiques (tranquillisants) ou d’hypnotiques (somnifères), sur avis médical autorisé, peut avoir une action bénéfique à court terme.

Certaines entreprises mettent en place des lignes d’écoute et de soutien psychologique pour leurs salariés. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cet outil de soutien peut être utile en cas d’évènement traumatique ?

 

La ligne d’écoute de soutien psychologique est une occasion offerte de verbaliser les émotions après le traumatisme ; si c’est possible de les dédramatiser et de détecter les facteurs de vulnérabilité individuelle.

Les psychologues sont formés pour identifier les troubles déjà installés et les comportements automatiques inadaptées (hyper-réaction : agitation, excès d’angoisse, fuite panique ou hypo-réaction : sidération, confusion, impossibilité d’agir).

Ils ont un rôle d’orientation vers un thérapeute ou un médecin et de conseil comme par exemple ne pas recourir à la fausse solution de la consommation d’alcool ou de drogues.

Il s’agit d’une écoute sans jugement, en posant des questions ouvertes pour aider la personne à exprimer ce qu’elle ressent, sans l’amener à revivre le traumatisme ; on lui conseille de s’informer sur l’ESPT, par exemple auprès d’une association de patients ou d’aide aux victimes (assistance juridique) car comprendre les symptômes que l’on éprouve constitue un premier pas vers la guérison ; on l’aide à se détendre, à se relaxer et à se changer les idées via des techniques de respiration, de méditation et d’auto-hypnose positive pour qu’elle se sente plus en sécurité.